Photographe
Inversion de la courbe du chômage, retour de la croissance, baisse des dépenses publiques, hausse de l’indice CAC40, … Nous sommes quotidiennement confrontés à ces indicateurs omni-présents dans le discours politique.
Les mains courantes qui longent les nombreux escaliers des collines de la Croix-Rousse et de Fourvière à Lyon m’ont donné le prétexte pour interroger ces séries de chiffres. J’ai été surpris par les similitudes entre le travail des statisticiens et celui des photographes, par la proximité des questions posées.
En premier lieu, il y a la forme du résultat : majoritairement un rectangle, représentation en deux dimensions, imprimée sur un support physique ou affichée sur un écran.
Une forme qui induit un cadre, qui délimite une portion de la réalité, qui matérialise un choix devant le monde, de ce qu’on inclut et de ce qu’on exclut.
Dans les deux cas, une décision sur la portion de temps que l’on décide de représenter.
Systématiquement dans un cas, souvent dans l’autre, une légende qui nomme ou contextualise.
Une propriété commune et singulière : celle de modifier le comportement des individus et des collectivités mesurés ou photographiés.
Baisse répétée du cours du bulletin de vote
Accélération brutale du « deux poids – deux mesures »
Glissade rapide des valeurs des producteurs de toboggans
Explosion imprévue des ventes de lubrifiant
Rebond ponctuel des tendances à la procrastination
Hausse continue des candidatures à l’émigration sur la Lune
Effondrement imprévisible de la vitesse des courants d’air
Progression discrète de l’épaisseur des poussières sous le tapis
Extension fulgurante du domaine du cynisme
Inflexion provisoire de la couleur du fond de l’air
Repli régulier du dolce farniente
Inflation incontrôlée de l’usage des oxymores
Abandon définitif du Principal Indicateur Bizarre